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Licenciement sans cause réelle et sérieuse

La cour d’appel de Reims « valide » et applique le barème Macron, mais admet qu’il puisse être écarté

La Cour d’appel de Reims a rendu, le 25 septembre 2019, son verdict sur le barème Macron d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle estime que, « in abstracto », le dispositif est conforme aux textes européens et internationaux. Toutefois, elle admet que le juge puisse exercer un contrôle « in concreto » du barème, et le cas échéant l’écarter. Au cas d’espèce, la cour a appliqué le barème et réduit la condamnation à un mois de salaire au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour d'appel de Reims a été saisie suite au jugement du conseil de prud’hommes (CPH) de Troyes du 13 décembre 2018, qui avait écarté l’application du barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse institué par les ordonnances Macron (c. trav. art. L. 1235-3).

Le CPH l’estimait non conforme à la convention 158 de l’organisation internationale du travail (OIT) et à la Charte sociale européenne, qui prévoient le droit à une « indemnité adéquate » ou tout autre « réparation appropriée ».

Entre-temps, la Cour de cassation a rendu deux avis positifs sur le barème. Elle a estimé qu’il respectait bien les principes de la convention 158 de l’OIT, tout en écartant la Charte sociale européenne qui, selon elle, n’a pas d’effet direct en droit interne (cass. avis 17 juillet 2019, n° 19-70010 PBRI et n° 19-70011 PBRI).

Pour la cour d’appel de Reims, conformité à la convention 158 de l’OIT et à la Charte sociale européenne « in abstracto »

Dans son arrêt du 25 septembre 2019, la cour d’appel de Reims admet tout d’abord, à l’inverse de la Cour de cassation, que la Charte sociale européenne soit invoquée par les parties. Elle considère que ce texte bénéficie d’un effet direct, comme la convention 158 de l’OIT.

Mais surtout, elle retient la « conventionnalité » du barème Macron, autrement dit sa conformité à ces textes européens et internationaux. Et de pointer, au passage, qu’une indemnité dite « adéquate » ou une réparation « appropriée » n’implique pas, en soi, une réparation intégrale du préjudice de perte d’emploi injustifiée et peut s’accorder avec l’instauration d’un plafond d’indemnisation.

Il faut cependant ajouter un bémol. La cour d’appel se prononce pour une conventionnalité « in abstracto » du barème Macron, c’est-à-dire de façon « objective et abstraite ».

Pour les juges de Reims, « pris dans sa globalité et non tranche par tranche », sans considérer la situation concrète du salarié, le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en particulier le plafonnement qu’il impose, ne porte pas atteinte en lui-même de façon disproportionnée aux droits fondamentaux.

Mais ils admettent qu’il peut en être jugé autrement en cas de contrôle « in concreto ».

Possibilité pour le juge d’exercer un contrôle « in concreto » du barème et de l’écarter

La cour d’appel de Reims estime qu’à côté du contrôle de conventionnalité « in abstracto » de la règle de droit elle-même, il faut également contrôler « in concreto » son application aux circonstances de l’espèce.

Selon la cour, « le contrôle de conventionnalité ne dispense pas, en présence d’un dispositif jugé conventionnel, d’apprécier s’il ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits du salarié concerné, en lui imposant des charges démesurées par rapport au résultat recherché ».

Et ce contrôle « in concreto » peut impliquer d’écarter la règle de droit jugée conventionnelle si elle affecte de manière disproportionnée les droits du salarié.

Encore faut-il que le salarié demande de réaliser ce contrôle « in concreto », le juge ne pouvant l’exercer d’office.

En l’espèce, la salariée n’avait demandé qu’un contrôle « in abstracto » du barème, et non « in concreto ».

La cour d’appel a estimé qu’elle n’avait donc pas d’autre choix que d’appliquer le barème Macron, qu’elle a jugé conventionnel « in abstracto ».

Et en l’espèce, les juges d’appel ont condamné l’employeur à 1 mois de salaire de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au lieu des 6 mois de salaire accordés par le CPH en première instance. Compte tenu de son ancienneté et de l’effectif de l’entreprise, la fourchette du barème Macron applicable à la salariée allait de 0,5 à 2 mois de salaire.

Reste maintenant à savoir le regard que portera la Cour de cassation sur cette analyse, si elle vient à en être saisie dans le cadre d’un pourvoi en cassation.

Et l’arrêt de la cour d’appel de Paris ?

Sur le barème Macron, un autre arrêt était attendu ce 25 septembre, celui de la cour d’appel de Paris, dans une autre affaire.

Pour cet arrêt, il faudra attendre encore un peu, puisque le délibéré a été reporté au 30 octobre 2019.

CA de Reims, 25 septembre 2019, n° RG 19/00003 ; https://revuefiduciaire.grouperf.com/plussurlenet/complements/20190925_CAReims-bareme-Macron25092019.pdf

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